Eglise et Paix, Eté 2002

Contenu

- Récits de voyages en Israël-Palestine

- AG : nouveaux membres

- Faire la paix sans armes

- Souffrance, mémoire et réconciliation

- La paix - l’effet naturel du commerce ?

Et autres ...

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Oser paraître dérisoire

Dans l‘Evangile selon Matthieu, au ch.17, les disciples de Jésus lui demandent pourquoi ils ne sont pas parvenus à guérir un jeune garçon torturé par un démon. Jésus leur répond sans ménagement qu’ils manquent de foi et que cette sorte de mal ne s’éradique que par la prière et le jeûne.

Au moment où la situation continue de se détériorer en Israël-Palestine et où les menaces d’attaque des Etats-Unis contre l’Irak se font de plus en plus précises, des membres du réseau de Church and Peace en différents lieux d’Europe reprennent cette affirmation de Jésus en consacrant plusieurs journées au jeûne et à la prière pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde...

Une telle démarche n’est-elle cependant pas dérisoire au regard de l’énormité des problèmes qu’elle évoque ?

Les lecteurs de ce numéro de la Lettre de Nouvelles sont peut-être en droit eux aussi de poser la ques-tion de l‘efficacité de ce qui est abordé dans les pages qui suivent : En effet, il fut bien modeste, le nombre de personnes qui ont participé au pèlerinage pour la paix en Israël (voir p.1 et p.7). Bien modestes, les visites de deux Quakers en Israël et en Palestine quelques jours auparavant (p.9). Et que pouvaient 40 manifestants contre les ventes d’armes à Eurosatory (p.12) ? Chercher le chemin de la réconciliation au delà du nécessaire souvenir de la souffrance (p.10) ; être artisan de paix -sans armes- (p.12), là aussi, on est loin de ce qui fait l’unanimité, loin de ce qui impressionne par son efficacité.

Cependant, il faut bien le reconnaître : la racine profonde de la crise que vit notre planète est d’ordre spirituel et c’est pourquoi la réponse elle aussi doit être d‘ordre spirituel. Les hommes et les femmes de conviction sont appelés aujourd’hui à « écouter ce que l‘Esprit dit aux Eglises » (p.5) et à accom-plir les démarches, si modestes soient-elles, qui découlent de cette écoute. Certes, les visites rendues à ceux qui sont pris dans l‘étau de la guerre, la protestation contre le commerce de la mort sont des gestes modestes. Certes le jeûne et la prière ne produisent pas forcément de grandes vagues médi-atiques. Toutes ces démarches relèvent d’une logique minoritaire, mais elles ne sont ni dérisoires ni insignifiantes. On ne peut en calculer les effets comme on constate les effets destructeurs d’une bombe. Elles sont autant d’étapes, de signes sur la voie de la résistance non-violente au mal. Elles relèvent de la logique de la foi.

Marie-Noëlle von der Recke

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Faire un bout de chemin avec les artisans de paix en Israël - Palestine

Tiré d’un rapport de Margrit Kruber-Arnold

Le conflit entre Israël et la Palestine et le défi du témoignage chrétien pour la paix ont été au cœur de la séance d’ouverture de l’Assemblée Générale 2002 de Church and Peace (C&P). Christian Renoux, secrétaire exécutif de la branche française du Mouvement International de la Réconciliation (MIR France) a partagé son expérience du pèlerinage œcuménique organisé conjointement par Pax Christi International, International Fellowship of Reconciliation (IFOR) et Church and Peace (cf. Eglise & Paix, printemps 2002). Margrit Kruber-Arnold résume ici le compte-rendu de Christian Renoux, ainsi que les réactions des membres présents à l’AG.

Le président honoraire d’IFOR, Hildegard Goss Mayr, a pris l’initiative de ce projet de pèlerinage de la paix après une invitation officielle que le patriarche latin de Jérusalem, Monseigneur Michel Sabbah a lancé pendant une visite aux groupes de paix en Israël et Palestine en août 2001. Préoccupés par la marginalisation croissante du mouvement non-violent pour la paix, due à l’accélération de la spirale de la violence et à la diminution du nombre de personnes assez courageuses pour aller en Israël, les organisateurs ont mis sur pied un pèlerinage en signe de solidarité avec tous les groupes du pays qui travaillent à préserver les droits humains et à vaincre la violence par des moyens pacifiques.

Peu avant le départ du groupe, les organisateurs du pèlerinage ont réduit le nombre de participants de 30 à 5, après que d’autres délégations importantes aient été refoulées à l’aéroport de Tel Aviv par les autorités israéliennes. Sœur Minke de Vries, Hildegard Goss-Mayr et Christian Renoux, membres respectivement de la Communauté de Grandchamp, d’IFOR et du MIR France, eux-mêmes membres de Church and Peace, ont participé avec le Fr. Paul Lansu (Pax Christi International) et Clemens Ronnefeld (MIR Allemagne).

Les partenaires du dialogue étaient :

• Monseigneur Michel Sabbah, patriarche latin de Jérusalem et président de Pax Christi International

• Jeremy Milgrom, porte-parole des « Rabbins pour les droits humains »

• Des représentants de la Commission Justice et Paix Jérusalem

• Le Centre « Maison Ouverte » (Open House) à Ramle près de Tel-Aviv

• La Coalition israélienne contre les démolitions, Jérusalem

• Des représentants de la Coalition des Femmes pour une Paix Juste, y compris les Femmes en noir

• Checkpoint Watch

• La paix maintenant/Shalom Achschav

• Des représentants des deux centres de résolution des conflits et de réconciliation à Béthlehem : le Centre de Résolution de Conflits et de Réconciliation et le Centre Wi’am

• L’Institut d’Education Arabe

• Caritas Jérusalem

• La Bibliothèque sur roues

• Yesh Gwul

• Gush Shalom.

Malgré la situation tendue dans le pays, le pèlerinage s’est déroulé comme prévu. Seules les visites en Galilée (Tibériade, Nazareth) et à Bethléhem ont du être annulées; mais les participants au pèlerinage ont tenté de se rapprocher le plus possible des check-points, et depuis Tantur ils ont pu téléphoner aux personnes encerclées. Dans son compte-rendu Christian Renoux dit : « Le check-point était fermé et un silence de mort règnait sur la petite ville. Seul le bruit des automitrailleuses venait le rompre tandis que flottait dans les airs un irréel zeppelin blanc qui surveillait la basilique toujours assiegée. »

Renoux dit que les partenaires israéliens semblaient fatigués, découragés, parfois désespérés, mais ils continuent à travailler pour la paix et la réconciliation tout en admettant que ce travail est très difficile en des temps de guerre. Ils ont été et sont encore reconnaissants pour des visites, même de petites délégations et mettent beaucoup d’espoir en l’aide si nécessaire de l’étranger.

Dans leur analyse de la situation, les groupes israéliens pour la paix ont remarqué que dans le passé le mouvement pour la paix israélien était trop dépendant de Barak et n’a pas mis assez la pression sur le gouvernement par exemple par des manifestations et que maintenant ils essaient de prendre des positions plus claires en se distançant par exemple de Peres. Après avoir presque disparu après les accords d’Oslo, le mouvement pour la paix a été redynamisé, il y a maintenant des signes d’espoir : une nouvelle alliance des groupes de paix israéliens qui font campagne pour deux états avec une capitale (partagée). De nouveaux groupes de paix se sont formés qui appellent à l’arrêt de la création de colonies et au retrait des troupes. Certains sont en faveur de sanctions contre Israël. Des réservistes de plus en plus nombreux refusent de participer aux interventions en cisJordanie et des mouvements de femmes sont engagés. Malgré des difficultés extérieures, un groupe palestinien et Peace Now ont organisé ensemble une manifestation non-violente.

Les contacts avec les partenaires palestiniens ont montré les conditions et les effets de la vie sous l’occupation, maintenue depuis des décennies aux check-points par des soldats relativement jeunes (20 à 30 ans) ; la population est coupée du monde extérieur et même des villages voisins ; les personnes sont enfermées dans leur village, désespérées et épuisées ; des soldats israéliens ont pillé des maisons et des entreprises ; l’électricité a été coupée à certains endroits parce qu’il n’y a plus d’argent pour payer les factures. A cause des difficultés de communication, les contacts entre les groupes non-violents sont difficiles. Partout règne un climat de méfiance, même envers les groupes de paix israéliens.

Les partenaires du dialogue – israéliens et palestiniens – ont insisté sur l’importance d’une intervention extérieure et fait les remarques suivantes :

• Pour résoudre le conflit, il faut une aide extérieure au pays et un soutien local dans les efforts pour rétablir la paix.

• Beaucoup de groupes pensent qu’il faudra certainement l’intervention des troupes de l’ONU pour maintenir la paix. Il se pourrait aussi qu’un embargo sur les armes et des sanctions économiques soient inévitables.

• L’Europe a un rôle important à jouer pour contrebalancer l’influence des Etats Unis ; les européens devraient plus coopérer et intervenir.

Après le compte-rendu de Renoux, Marie-Noëlle von der Recke, secrétaire générale, a donné la parole à la salle et demandé des suggestions pour une suite éventuelle à donner au pèlerinage de paix dans l’avenir.

Ernst von der Recke, membre du Laurentiuskonvent et l’un des 30 membres de la délégation initialement prévue a rendu compte de la rencontre de jeûne et de prière qui s’est tenue en Allemagne pendant la semaine du pèlerinage ; cette rencontre lui a permis de clarifier sa propre position sans prendre parti. Il a suggéré aux membres de C&P de s’engager eux-mêmes dans des temps de jeûne et de prière.

Bruno Bauchet, président de C&P, a évoqué une situation similaire en Pologne en 1982, et l’importance de la présence de personnes venues de l’extérieur du pays pour la population locale. Il a encouragé les membres à continuer à cultiver des relations avec des groupes sur place et à leur rendre visite même lorsque les résultats de ces visites ne sont pas visibles tout de suite.

Markus Braun, qui représente le groupe méthodiste allemand Justice, Paix et Sauvegarde de la Création, met en garde les personnes de l’extérieur contre le fait de donner des conseils imprudents ou d’émettre des avis irréfléchis. Au contraire, la tâche des personnes de l’extérieur consiste à souffrir avec ceux qui souffrent, pleurer avec ceux qui pleurent et prier avec ceux qui prient, et de cette manière, défendre les habitants du pays.

Pascal Keller, représentant le Centre Mennonite de Bru-xelles, dit que la réflexion théologique pourrait jouer un rôle important si elle abordait la question du nationalisme religieux et a suggéré que le groupe de travail théologique de C&P pourrait être un outil adapté.

La soirée s’est achevée par un temps de silence et une série de diapositives montrant les endroits visités par les pèlerins de la paix. La discussion et la réflexion sur ce thème ont continué durant le week-end. Les participants de l’A.G. ont eu l’occasion d’en apprendre plus sur le travail fait dans ce pays par des groupes non-violents, à travers le film « Les colombes de l’ombre ». Pendant la célébration du dimanche, les membres présents de C&P ont approuvé un appel à la prière, à des temps de jeûne et au soutien des volontaires et des organisateurs au service de la paix.

(Cf. L’appel à la prière et au jeûne pour le Moyen-Orient, Eglise & Paix supplément printemps 2002, ou adressez-vous au bureau international de C&P pour une copie. On peut consulter cet appel sur le site C&P www.church-peace.ini.hu)

Traduction : Louise Nussbaumer

Pour plus d’informations :

www.rhr.israel.net - Rabbis for Human Rights

www.prairienet.org/cpt - Christian Peacemaker Teams

www.openhouse.org.il - The Open House Center

www.yesh-gvul.org - Yesh Gwul

www.icahd.org - Israeli Coalition against House Demolition

www.coalitionofwomen4peace.org - Coalition of Women for a Just Peace

www.peacenow.org - Peace Now/Schalom Achshav

www.mideastweb.org/ccrr - Palestinian Center for Conflict Resolution and Reconciliation

www.planet.edu/~alaslah - Wi’am Center

www.gush-shalom.org - Gush Shalom

aei.tripod.com/aeicenter - The Arab Educational Institute

www.towardshumanity.org/towards/library.html - Library on Wheels

www.paxchristi.net - Pax Christi International

www.ifor.org - International Fellowship of Reconciliation

www.afsc.org/ispal/stmt/zaru.htm - “A Testimony of Suffering and Hope”, de Jean Zaru, palestinienne

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« Ecoutez ce que l’Esprit dit aux Eglises »

Assemblée Générale 2002 de Church & Peace

Terri Miller

Encouragés par les paroles d’un chant de la Conférence Mennonite Mondiale, les délégués de C&P ont cherché à se laisser guider par l’Esprit lors des discussions de cette Assemblée Générale 2002. La rencontre a eu lieu au Centre Alain de Boismenu à Miribel en France. Les principaux sujets furent les demandes d’adhésion, les besoins en personnel et les préoccupations financières.

Développement du réseau

Les 43 membres de C&P, présents ou représentés, ont accepté cinq demandes d’adhésions individuelles et un transfert d’adhésion Les nouveaux membres accueillis sont :

• Henk Akkerman d’Utrecht, « ancien » des Eglises mennonites néerlandaises, membre fondateur de C&P. Henk est membre du Comité mennonite néerlandais pour la paix (DVG) et est engagé dans un travail administratif au service des réfugiés et de l’environnement.

• Charles André et Thérèse Broglie de Sonceboz, mennonites suisses. Charles-André et Thérèse ont des responsabilités dans l’église mennonite de Brugg et sont actifs au sein du Comité mennonite suisse pour la paix (SMFK). Charles-André est aussi membre du MIR romand. Tous deux travaillent dans le domaine éducatif.

• Margrit Kruber-Arnold de Wetzlar. Margrit, membre de l’Eglise protestante et engagée au niveau de sa paroisse, a accompagné Marie-Noëlle von der Recke (secrétaire générale de C&P) lors de son voyage dans les Balkans en mars 2002.

• Anne-Marie Visser d’Amsterdam, pasteur des Eglises mennonites néerlandaises. Anne-Marie est membre actif du Comité mennonite néerlandais pour la paix (DVG) et oblate bénédictine (abbaye d’Egmond).

• Mike Zipser de Kehl, quaker allemand. Mike est objecteur de conscience, c’est un ancien bénévole du Comité mennonite allemand pour la paix (DMFK) et de l’oeuvre d’entraide des Mennonites américains, Mennonite Central Committee (MCC).

En outre, l’Assemblée Générale (AG) a approuvé le transfert de l’adhésion du Centre Alain de Boismenu, qui sera fermé en juillet 2002, en faveur de ses représentants Louis et Bernadette Joly.

Défis et transitions pour le personnel de C&P

L’AG a alloué une part de temps importante aux ques-tions liées au personnel de C&P. Les rapports du Conseil d’Administration (CA) et du Secrétariat International soulignent le manque d’une personne supplémentaire pour le travail germanophone et le travail administratif (finances et personnel). Ce manque de personnel pèse lourdement sur les épaules de l’équipe en place. Les pourparlers avec l’Eglise Protestante de Rhénanie ont abouti à un accord pour le financement d’un poste de pasteur avec un ministère spécialisé, mais aucun candidat n’a été trouvé pour le poste. D’autres pistes devront encore être explorées, entre autres auprès d’Eglises protestantes d’autres régions d’Allemagne.

Dans son rapport, Sylvie Gudin-Poupaert, responsable de la région francophone, a annoncé sa démission pour la fin du mois de mai 2002. Le travail dans la région s’est développé au point qu’elle n’est plus en mesure d’assurer son travail avec un poste à mi-temps. Sylvie a exprimé le souhait de rester en contact avec C&P. Au nom des membres de la région francophone et des quakers en particulier, Libby Perkins a dit son appréciation pour les six années de travail et d’engagement de Sylvie. En remerciement et pour symboliser le temps passé au service de C&P, Bruno Bauchet (président de C&P), Marie-Noëlle von der Recke et Terri Miller (collègues de Sylvie) lui ont offert une cruche et un torchon.

Bernadette et Louis Joly du Centre Alain de Boismenu ont été désignés comme coordinateurs intérimaires pour la région francophone. Ils s’occuperont des tâches de coordination jusqu’au mois d’octobre 2002 et sont chargés d’organiser la rencontre régionale francophone.

Nouvelles du réseau

Les différents rapports régionaux et celui du Secrétariat International mentionnent tous les efforts faits pour développer le réseau, dont les conférences régionales qui auront lieu en 2002, le travail d’éducation à la paix et à la non-violence, les visites, la participation à des rencontres et des séminaires et la correspondance. Plusieurs membres et invités ont parlé de leurs activités ou donné des nouvelles de leur communauté. Les rapports régionaux ou le compte-rendu de l’AG peuvent être obtenus auprès du Secrétariat International.

Par ailleurs, les délégués :

• ont passé en revue les comptes 2001 qui sont positifs et ont donné quittus au CA. Klaus Tschentscher, trésorier a expliqué la survie financière de C&P en 2001 par les subventions reçues pour les rencontres d’Elspeet et par une augmentation des dons.

• ont approuvé le budget 2002 que le président Bruno Bauchet a qualifié d’appel aux membres à trouver des fonds.

• ont pris acte avec regret de la lettre de démission de la Communauté de Caulmont. Elle n’est plus en mesure de rester membre actif au sein du réseau C&P à cause du manque de disponibilité de son équipe très réduite numériquement.

• ont décidé de continuer les discussions concernant une adhésion éventuelle de C&P à l’association Eirene.

• ont suggéré que les membres utilisent une déclaration des Eglises pacifistes, présentée par Gordon Matthews, quaker, comme document de travail et comme instrument pour le témoignage en faveur de la paix.

Traduction : Ruth Wenger Sommer

 

Conférence internationale de Church and Peace en 2003

Les préparatifs sont en route pour la prochaine conférence internationale de C&P. La rencontre aura lieu du jeudi 1er au dimanche 4 mai 2003 à Osijek en Croatie. Le thème sera l’appel de l’épitre aux Romains 14, 19 « à rechercher ce qui contribue à la paix ». Le but de la rencontre œcuménique, est d’encourager différents groupes et individus chrétiens à travers l’Europe dans leur témoignage pour la paix. Le programme se concentrera sur la vision d’une Eglise infiniment diverse et consciente de sa vocation d’artisan de paix.

En choisissant Osijek comme lieu de conférence, C&P souhaite créer de nouveaux contacts et resserrer les liens déjà existants avec l’Europe du sud-est suite à la dernière conférence internationale d’Elspeet au Pays Bas en 2001 dont le thème était « On t’appellera réparateur de brèches ». Nos différents partenaires à Osijek sont le Centre pour la Paix, la Non-violence et les Droits humains ainsi que la Faculté de théologie protestante. Un programme plus détaillé sera disponible ultérieurement.

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Interview avec Clemens Ronnefeldt, MIR Allemagne

Marie-Noëlle von der Recke : Tu as participé au pèlerinage en Israël et en Palestine organisé par le Mouvement International de la Réconciliation, Pax Christi International et Church and Peace. En quoi s’agissait-il d’un pèlerinage?

Clemens Ronnefeldt : Dans les mois qui ont precédé le voyage, plusieurs d’entre nous ont jeûné le vendredi et se sont ainsi préparés physiquement et spirituellement.

Nous voulions d’abord partir à 30, mais comme les groupes de paix d’une certaine importance numérique se faisaient refouler à l’aéroport de Tel Aviv, une délégation de cinq personnes a finalement représenté cinq pays. Parallèlement, quelques-uns de ceux qui avaient dû renoncer à partir se rencontrèrent à Imshausen pour des journées de jeûne et de prière. Comme participants au pèlerinage, nous nous sommes sentis étroitement liés et portés par une communauté solidaire.

En lsraël, l’abbé Wilhelm Bruners, du diocèse d’Aix-la-Chapelle, a été pour nous un guide très sensible et compétent, aussi bien pour la rencontre de groupes de paix que pour la visite des lieux bibliques. Il nous a montré entre autres l’endroit où Jésus a enseigné le Notre Père à ses disciples et nous a accompagnés au Mont des Oliviers. Là, il a souligné combien il importait que Jesus -Messie des temps accomplisait transmis la Bonne Nouvelle du salut à tous les êtres humains - et non seulement au seul peuple juif. Wilhelm Bruners a aussi commenté pour nous le passage de la résurrection de Lazare, rappelé à la vie par Jésus. Les bandelettes qui le retiennent captif figurent les liens de la mort, dont Lazare doit se libérer pour pouvoir revivre.

Ces images et d’autres encore m’ont beaucoup parlé - surtout à cause de leur actualité dans le contexte de la situation entre Palestiniens et Juifs, et aussi entre juifs, chrétiens et musulmans.

M-N. vdRecke : Peux-tu nous parler de la position des Eglises locales dans le conflit du Proche-Orient ? Quelles sont les relations entre Eglises ?

C. Ronnefeldt : J’ai été scandalisé, le deuxième jour, lorsque nous avons visité le Saint-Sépulcre : différentes Eglises chrétiennes y font mémoire -chacune dans son coin, dans differentes parties de l’édifice - de la mort et de la résurrection de Jésus. Mais comme les différents responsables ecclésiastiques ne pouvaient se mettre d’accord pour savoir à qui serait confiée la clé, on a trouvé -depuis plusieurs siècles et jusqu’à ce jour- une solution digne de Salomon : la clé a éte remise à une famille musulmane qui la passe aux divers representants chrétiens...

Dans cette perspective, la position des Eglises dans le conflit proche-oriental tient presque du miracle. Les representants des Eglises chrétiennes se sont rencontrés plusieurs fois déjà et ont fait des déclarations communes substantielles. Par exemple, des évêques ont pris ensemble le chemin de Jérusalem et de Béthléem afin d’intervenir dans le drame de l’église de la Nativité. Ils furent toutefois retenus au checkpoint israélien et laissés littéralement sous la pluie.

Le fait que Mgr Michel Sabbah ait été le premier Palestinien à être désigné comme patriarche latin de Jérusalem représente un défi particulier pour les relations entre le Vatican et lsraël. Il y a quelques années, Mgr Sabbah a été élu président international du mouvement catholique de paix Pax Christi, ce qui représente aussi un défi pour ce mouvement.

M-N. vdRecke : Les déclarations de responsables chrétiens contiennent un appel clair à la non-violence. Cette impression est-elle justifiée ?

C. Ronnefeldt : L’entretien avec Mgr Sabbah, par exemple, a confirmé cette impression.

Au centre des revendications figurent : la partition en deux Etats, avec Jérusalem comme capitale des deux pays; la fin de l’occupation des territoires; l’arrêt des implantations de colonies juives; une solution équitable au problème des réfugiés. Si les résolutions de l’ONU, qui exigent depuis 35 ans le retrait de l’armée israélienne des territoires occupés, étaient mises à exécution et si les Palestiniens voyaient enfin luire un rayon d’espoir, les attentats-suicides cesseraient.

Le conflit ne peut être resolu que par la voie de négociations non-violentes. Les attentats suicides, les exécutions de colons israéliens ainsi que la guerre de l’armée israélienne sont des impasses et ne peuvent aboutir à aucune solution.

M-N. vdRecke : Comment s’engagent les chétiens sur place ?

C. Ronnefeldt : A Jérusalem, Caritas organise régulièrement des transports par poids lourds vers les villes et villages encerclés dans les territoires occupés. Les conducteurs risquent souvent leur vie. Des prêtres les accompagnent afin de leur garantir un minimum de protection.

Elias Chacour, prêtre palestinien de l’Eglise melkite, s’engage depuis des décennies pour une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens.1 Dans l’école qu’il dirige, 300 des 350 étudiants palestiniens ont offert leur sang pour les Israéliens blessés lors d’un attentat-suicide à Tel Aviv.

Une amie, qui a dirigé pendant des années un foyer d’enfants dans le cadre du « Service chrétien pour la Paix » de Suisse et qui fait partie des « Femmes en Noir », s’est engagée dans le groupe féminin « Checkpoint Watch ». Ces femmes observent différents points de contrôle militaires, notant les agressions et atteintes aux droits humains, et envoient leurs rapports à tous les membres de la Knesset ainsi qu’aux organisations de défense des Droits de l’Homme. Depuis lors, la violence aux checkpoints sous observation a diminué.

M-N. vdRecke : Quelles sont les réactions aux proposi-tions du COE ?

C. Ronnefeldt : Le programme du COE, qui va envoyer dès cet été des observateurs en Israél et en Palestine pour des missions de trois à douze mois, a été accueilli favorablement. Bien des groupes de paix des deux bords mettent leurs plus grands espoirs dans une internationalisation de la résolution du conflit et en particulier dans un engagement accru de l’Europe.

M-N. vdRecke : Ce pèlerinage fut-il aussi pour toi une expérience spirituelle ?

C. Ronnefeldt: Oui, sans aucun doute. Dans notre logis de l’Hospice autrichien à la Via Dolorosa, nous commencions chacune de nos journées par une méditation qui m’a souvent accompagné tout au long du jour. Le séjour dans des lieux ou Jésus a enseigné la non-violence et l’amour des ennemis et où il a annoncé le Royaume de Dieu m’a profondement bouleversé au regard des événements de Jenine et de Jérusalem où, l’avant-dernier jour de notre séjour, une femme s’est fait sauter dans le marché juif, entrainant de nombreux Israéliens dans la mort. Je ne connais pas de meilleur programme que le Sermon sur la montagne pour la résolution de ce conflit.

J’ai aussi éte très touché par la rencontre de personnes comme Jeremy Milgrom, des « Rabbins pour les Droits de l’Homme », qui s’engage pour les Bédouins et Palestiniens dont la terre est confisquée lors de l’agrandissement des colonies juives.

Jeff Harper, du « Centre contre la destruction de maisons », m’a également beaucoup impressionné : avec des amis de la paix israéliens et palestiniens, il reconstruit des maisons palestiniennes démolies par les bulldozers pour créer des routes d’accès aux colonies juives.

Grâce à leur centre de rencontres « Open House » pour chrétiens, juifs et musulmans, situé à Ramle près de Tel Aviv, le couple juif pratiquant Dalia et Jehezkel Landau a créé, avec un ami palestinien Michel Fanous, pasteur anglican, un lieu où peine, souffrance et désespoir de chaque groupe trouvent à s’exprimer, où les gens s’entraident et s’écoutent avec empathie. Israéliens et Palestiniens ont besoin de tels lieux de guérison intérieure et de réconciliation.

Malgré l’immense souffrance à laquelle ce voyage nous a confrontés, je suis revenu fortifié spirituellement par la rencontre de telles personnes.

Laufdorf, le 16 mai 2002

Traduction : Jacqueline Rouyet

1. Voir le livre d’Elias Chacour (écrit en coll. avec David Hazard) : Frères de sang. Cerf, 1985.

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Impressions d’un voyage en Israël-Palestine

Tiré d’un rapport de Gordon Matthews

Au mois de mars dernier et pendant deux semaines, Gordon Matthews (ancien secrétaire exécutif de C&P) et Hans Schuppli (quaker suisse, ancien co-directeur de la maison « Jochgruppenhaus») ont rendu visite à des chrétiens et des institutions chrétiennes en Israël et en Palestine. Gordon fait le récit des rencontres et des lieux visités au cours de ce voyage.

Le but principal de notre voyage était de visiter les « pierres vivantes », ces chrétiens palestiniens qui vivent sur les sites historiques de la « terre sainte ». Nos visites débutèrent en Galilée : les institutions éducatives « Mar Elias » d’Elias Chacour dans le village d’Ibillin au nord-est d’Haïfa comportent des écoles et un collège pour les Arabes qui vivent en Israël. Dans son livre « Frères de sang », Chacour raconte comment, à partir de rien, il a fondé ces institutions. Chacour pense que l’éducation des Palestiniens est la clé pour un avenir de paix et de justice.

D’Ibillin, nous sommes allés à Haïfa où nous avons passé quelques jours à « la Maison de la Grâce » tenue par Agnès, la veuve de Kamil Shehade. Cette maison accueille d’anciens prisonniers (musulmans, chrétiens et juifs) qui sont sans domicile. Parmi les cinq employés, il y a un conseiller juridique et un travailleur social. La Maison de la Grâce dépend de l’Eglise catholique grecque/melkite bien que le projet soit indépendant. C’est l’une des rares organisations non-juives dont le travail soit reconnu et apprécié par les autorités juives de la ville.

Nous avons passé un peu plus d’une journée à Bethléem au Collège biblique de Bethléem alors que la ville était sous le contrôle de l’armée israélienne. En haut de la route nous pouvions voir un tank, en face un camp de réfugiés. Derrière le Collège, nous apercevions la ville voisine de Beit Jala et la colonie juive de Gilo. Des tirs d’artillerie provenant de Gilo répondaient fréquement à ceux des snipers palestiniens de Beit Jala. Les coups de feu étaient nombreux, mais c’est lorsque nous avons voulu quitter Bethléem que nous avons eu le plus peur. Les tirs et les avertissements d’un soldat dans un tank nous ont obligés à rebrousser chemin et à prendre un taxi plutôt que de marcher jusqu’au poste de contrôle. Ce fut l’occasion de prendre pleinement conscience de ce que signifie vivre sous l’occupation.

Notre destination suivante était Ramallah, mais arrivés au poste de contrôle de Qalandiya, nous avons été refoulés ainsi que d’autres personnes ; seule une équipe de télévision a été autorisée à pénétrer dans la ville. Le jour précédent, les troupes israéliennes venaient de se retirer de Ramallah. Deux jours plus tard, notre deuxième tentative réussit : un soldat israélien amical nous laissa passer sans histoire.

A Ramallah, nous avons logé au Foyer Evangelique (anglican), dont la responsable est une ancienne volontaire suisse Vreni Wittwer. Parmi les 560 élèves de l’école, 75% sont chrétiens et 25% musulmans. Dans une ville régulièrement occupée ou bombardée, ce sont les enfants qui subissent les conséquences : beaucoup d’entres eux présentent des troubles du comportement ou des difficultés de concentration.

Colin South, le directeur des écoles quakers à Ramallah, nous a fait visiter les deux établissements scolaires. Quelques élèves nous ont montré des impacts de balles sur le portail de l’école. La majorité d’entre eux sont musulmans. Beaucoup font ensuite leurs études universitaires soit à Bir Zeit (près de Ramallah) soit en Europe ou aux Etats-Unis. Colin South souhaite que les écoles soient utiles pour toute la population. J’ai été particulièrement intéressé par un ambitieux projet de jardin botanique avec un café et un centre pour les visiteurs qui devrait être construit sur le terrain appartenant aux écoles.

Avant notre retour, nous avons passé encore une nuit à Jérusalem. J’en ai profité pour visiter le Centre oecumenique de theologie de la liberation « Sabeel » qui rassemble un réseau de Palestiniens chrétiens travaillant pour la paix et la justice par des moyens non-violents. Des Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés travaillent avec des femmes et des jeunes pour leur redonner courage et force. Un document de cinq pages « Jerusalem Sabeel Document » qui émane de ce centre et contient des principes pour une paix juste en Israël et Palestine vaut la peine d’être lu (voir le site www.sabeel.org). Un réseau d’amis de Sabeel existe dans différents pays européens.

Ce voyage m’a convaincu que la grande majorité des Palestiniens ne souhaitent qu’une chose : être autorisés à vivre en paix sur leur propre terre. Mais chaque attentat suicide et les inévitables représailles de la part de l’armée israélienne rendent la réalisation de ce souhait plus improbable. Peut-être pensons-nous ne rien pouvoir faire pour changer cette situation. Je pense que nous devrions commencer par prier pour une paix juste en Israël et en Palestine et les possibilités de soutenir les Israéliens et les Palestiniens qui travaillent pour la paix et la justice s’ouvriront à nous.

Traduction : Ruth Wenger Sommer

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Suffrance, mémoire et réconciliation

Janna F. Postma

Le Bienenberg est un centre de formation mennonite, mais il est devenu aussi un forum pour les membres des Eglises pacifistes et pour ceux qui se sentent en parenté avec eux. Il était donc logique que de nombreux membres de Church and Peace se trouvent parmi les 75 participants venus de toutes les parties de l’Europe et de différentes Eglises pour un symposium avec le Professeur Miroslav Volf du 7 au 9 juin 2002 au Bienenberg.

Des hôtes d’Allemagne, de Bosnie, de Serbie et du Rwanda parlèrent de leur quête d’espérance et d’amour pour l‘ennemi dans des situations marquées par la violence et l’injustice. Eckbert Driedger, Mennonite qui avait fui la Pologne il y a 57 ans, était parmi nous, ainsi qu’Ivo Marcovic, fransicain de la république serbe de Bosnie, Jasmina Tosic et Marijana Ajzenkol de Serbie. Joséphine Ntihinyuzwa, du Rwanda, qui habite l‘Alsace actuellement, devait nous rejoindre, mais fut refoulée de manière plutôt rude à la frontière suisse. C’est Sylvie Gudin Poupaert qui parla en son nom et de sa part. Ces récits furent encadrés par des éléments liturgiques. Une célébration commune autour d’une croix, de bougies et de fleurs sauvages fit grandir la communion entre nous. L’unité grandissant, nombreux sont ceux qui auraient souhaité prendre ensemble le repas du Seigneur.

La question posée était : « comment nous comportons-nous vis-à-vis du mal que nous avons subi ou que nous avons infligé ? » M.Volf introduisit ses exposés en parlant de sa propre expérience. Il s’était laissé incorporer dans l’armée croate, mais il avait refusé de porter une arme. La guerre n’avait pas encore éclaté, et pourtant il fut l’objet de traîtements des plus humiliants. De 1979 à 1991 il enseigna à la faculté de théologie évangélique d’Osijek en Croatie, puis en Californie et depuis 1998 à l’école théologique de Yale, à New Haven dans le Connecticut. En nous faisant part de ses propres expériences, l’orateur mit en évidence combien la question du mal est existentielle.

De l’usage de la mémoire aujourd’hui

Il existe aujourd’hui une sorte de consensus culturel concernant la nécessité de se remémorer le mal. L’holocauste est à l’origine de ce consensus. C’est le « prophète culturel » Elie Wiesel qui a parlé et écrit le plus pour qu’on n’oublie pas. La tendence à vivre à un rythme accéléré et à oublier vite est un argument supplémentaire en faveur de l’effort de mémoire. La mémoire est de plus un facteur identitaire indéniable : nous nous définissons nous-mêmes en racontant notre histoire. La mémoire enrichit aussi notre vie car elle fait revivre les joies et les peines passées. Mais l’aspect le plus important de la mémoire est qu’elle donne une voix aux victimes, que dans de nombreux cas elle contribue à ce que justice soit rendue. Elle est enfin une protection contre les récidives.

4 règles pour une bonne utilisation de la mémoire

Il est clair cependant que l’on peut aussi utiliser la mémoire comme une arme. Le bouclier devient très facile-ment une lance. C‘est pourquoi il est indispensble de chercher des voies pour un bon usage de la mémoire. Volf énonce 4 règles :

• le souvenir doit être aussi proche que possible de la vérité

• le souvenir doit former l’identité et la guérir

• le souvenir doit tirer les leçons du passé. La mémoire aide à comprendre et à surmonter le présent. (Mais attention, c’est là qu’ont lieu les dérapages. Milosevic et les siens ont amené les Serbes à identifier les Croates d’aujourd’hui avec ceux d’hier, qui avaient collaboré avec les Nazis. Et ce n‘est pas le seul endroit où les victimes d’hier sont devenus les bourreaux d’aujourd’hui.)

• le souvenir doit être libérateur.

Principes bibliques pour un bon usage de la mémoire : la Pâque et le repas du Seigneur

En faisant revenir les événements de l’Exode la commémoration de Passah en fait un souvenir libérateur. On raconte l’histoire, on répète le rite du repas de Pâque, et on accom-plit le commandement : souviens-toi que tu étais étranger et esclave et comporte-toi en conséquence vis-à-vis des autres êtres humains ! Souviens-toi aussi des ennemis qui foulèrent au pied les faibles et n’aie pas de compassion pour eux ! Car c’est ainsi qu’agit le Seigneur ton Dieu.

Pour nous, disciples de Jésus, vient s’ajouter d’une manière très significative la célébration du repas du Seigneur. Jésus a vécu et il est mort, non seulement pour ses amis mais aussi pour ses ennemis. Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, signe de son approbation. Lorsque nous rompons le pain et que nous buvons la coupe, nous avons part à son oeuvre. Ceci inclut le ommandement de libérer les opprimés. Ceci inclut aussi les commandement d’aimer les ennemis. Les disciples de Jésus anticipent la réconciliation entre anciens ennemis, la réconciliation de toute l’humanité.

Réflexion sur le thème de l’oubli

Comment Volf tente-t-il d’établir le lien entre l’eschaton, l’accomplissement de toutes choses et la question du Mal ? Il n’est pas partisan de la politique « du pardon et de l’oubli », deux expressions qu’il est bien difficile d‘associer aujourd’hui, comme on l’a fait autrefois. Mais il est à la recherche d’intuitions qui mettent en évidence la place de l’oubli chez des auteurs aussi différents que Dante, Nietzsche, Freud et Kierkegaard. Il cherche ainsi à donner un fondement à la légitimité de l’oubli.

Pardon, jugement, réconciliation

Volf évoque Kiergegaard : l’amour couvre la culpabilité de celui que l’on aime mais le pardon lui-même doit être oublié et par le coupable et par celui qui pardonne pour qu’ils puissent continuer à vivre la tête haute. Mais alors où est la justice ? Si, la grâce passant avant la justice, le mal est mis de côté, il faut encore passer par la porte de la réconciliation : le jugement dernier. Celui-ci est un événement à caractère social, il concerne tous, y-compris les personnes indirectement touchées. Ce n’est que lorsque tout le mal a été exposé à la lumière, lorsque tous les pécheurs ont été jugés , lorsque justice a été rendue à toutes les victimes, ce n’est qu’à ce momet-lá que tous pourront s’embrasser et entrer dans le monde nouveau et rencontrer Dieu face à face.

Rédemption des personnes ou guérison des souvenirs

Volf conteste la conception actuelle de la rédemption qui nous invite à inscrire les événements de notre passé dans un tout porteur de sens. S’appuyant sur le témoignage des victimes de l’holocauste, il affirme que ceci est impossible. Il y a un noyau dur d’évenements qui ne se laissent pas intégrer. La rédemption de telles horreurs n’est concevable que comme rédemption de l’être humain et non comme guérison des souvenirs.

La croix, la résurrection, le salut, la victoire

Ainsi Volf arrive à la pensée de Luther : Jésus, par amour, a osé affronter l’enfer pour sauver les êtres humains ! Toutes les souffrances ne sont pas vides de sens : si elles appaisent les souffrances des autres, alors elles ont un sens. Mais cette vérité-même est inclassable.

La question de l’éternité de la crucifixion est posée : le ressuscité porte les marques de la crucifixion aussi longtemps que le salut de l’humanité l’exige. La mort est engloutie dans la vic-toire- mais quand ? Des murmures se font entendre parmi les participants : « ne s’agit-il là que de spéculation ? Comment, à partir de là, tenir le coup, aimer ses ennemis comme l’attestent les témoignages de souffrance entendus ? »

Se prononcer pour le monde de l’amour plutôt que pour le souvenir

A la fin de ses exposés, Volf revient à la capacité de l‘être humain d’oublier. Mais, n‘est-il pas immoral d‘oublier ? Volf rétorque : devrions-nous garder en mémoire toutes les fautes, y-compris les nôtres, qui peuvent paraître minimes si on les compare aux actes criminels les plus graves ? Aurait-on ainsi atteint la justice véritable ? On peut s’imaginer un monde nouveau dans lequel chacun se souviendrait de ses propres fautes et de celles des autres. Ce monde-là ne serait certainement pas le monde de bonheur auquel Dieu nous destine.

Dans sa conclusion, Volf ose contredire Elie Wiesel. Il cite sa prière bien connue prononcée en 1995 : « les survivants ne pardonnent pas aux assassins et à leurs complices. Et toi, Seigneur du monde, tu ne dois pas leur pardonner non-plus... tant que dans leur mémoire continue à brûler la plus petite étincelle des flammes d’Auschwitz et de Treblinka, ma joie ne saurait être parfaite ».1

Par contre Volf argumente : « Par fidélité aux victimes, Elie Wiesel se prononce pour la mémoire plutôt que pour le ciel. Je pense que nous devrions nous prononcer en faveur du ciel plutôt que de la mémoire : pour un monde d‘amour peuplé de victimes et de coupables réconciliés ».

Traduction : MNvdR

1. « Prayer for the Days of Awe », New York Times, 10 février 1997.

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Faire la paix sans armes

Rencontre régional anglophone

Gerald Drewett & Anne Marshall

Environ 40 personnes se sont réunies dans la campagne des Midlands anglais du 14 au 16 juin 2002 pour une conférence intitulée « Faire la paix, avec l’amour de Dieu pour seule arme ». La rencontre était organisée par le Comité pour la Grande-Bretagne et l’Irlande de Church and Peace (C&P) et la Communion Pacifiste Anglicane (APF), membre de C&P.

Le week-end a débuté le vendredi soir par un exposé théologique de John Johansen-Berg, directeur international de la communauté pour la réconciliation (Community for Reconciliation) près de Birmingham. Johansen-Berg a présenté le fondement biblique de l’engagement pour la paix en faisant le lien avec des situations actuelles de conflit comme au Rwanda et en Israël/Palestine.

Les sessions du samedi se sont concentrées sur des engagements pratiques en faveur de la paix. David Cockburn a parlé de son travail avec les Equipes Artisans de Paix Chrétiens (Christian Peacemaker Teams - CPT), à Hébron. Lors d’un atelier, il a expliqué comment les membres des CPT ont été accusés d’antisémitisme à cause de leur travail pour plus de justice en faveur des Palestiniens.

D’autres exemples d’engagement non armé pour la paix ont été présentés : Martin Newell, prêtre catholique, a raconté comment il a « dérouté » un camion transportant des ogives nucléaires, dans le cadre de l’action « soc » en l’an 2000. Tony Kempster a présenté le livre récemment publié « War Prevention Works » (empêcher la guerre, ça marche), 50 histoires de résolution non-violente de conflits. Les participants ont aussi eu l’occasion d’entendre parler d’une étude menée par les Ouvriers de Paix du Royaume Uni (Peaceworkers UK) en vue d’un projet de service civil.

Pour terminer, tous ont pu parler de leur engagement et partager leurs préoccupations et de leurs questions. Au total, ce fut un week-end plein de défis avec une communion chaleureuse et des temps de cultes anglican, quaker et œcuménique.

Traduction : Ruth Wenger Sommer

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Et si on parlait d’Eurosatory ?

Commentaire de Benoît Huygue pour la CANVA

Montesquieu a écrit : « L’effet naturel du commerce est d’arriver à la paix »1. C’était aller un peu vite en besogne et oublier le commerce des armes. Mais il est vrai, aujourd’hui comme hier, que les discrets et affairés mar-chands d’armes, ne souhaitent pas trop de publicité : c’est ainsi qu’ils arrivent à se faire oublier.

Pourtant, à l’instar du salon de l’agriculture, existe aussi le salon Eurosatory, le plus grand marché européen de la mort. Dans ce salon, qui se déroule tous les deux ans, sont négociés de juteux contrats à l’abri des regards indiscrets. Le dernier s’est déroulé à Villepinte du 17 au 21 juin 2002: 800 exposants, 95 délégations officielles. La France détient un triste record : celui d’être le premier exportateur d’armes par habitant. On sait aussi que 80% des armes vendues à travers le monde le sont par les cinq pays qui composent le conseil de (l’in)sécurité de l’O.N.U. Les chartes éthiques ne pèsent pas bien lourd face aux enjeux financiers.

Nos démocraties occidentales, somnambules et amnésiques, arment les dictatures. Quand un attentat tue 10 français au Pakistan, on apprend incidemment qu’ils y construisaient un sous-marin pour le compte d’un régime militaire doté de la bombe atomique. La France a armé l’Irak dans les années 80, elle s’en est mordu les doigts par la suite. De quels futur(s) sanguinaire(s), des affidés ont-ils foulé les tapis rouges du salon Eurosatory cette année ?

Face à ce goliath, nous étions une quarantaine. C’est peu. Mais il suffit parfois d’un grain de sable pour gripper la machine. Et le pire ennemi du marchand d’armes, espèce nocturne, c’est la lumière faite sur son commerce. Aussi avons-nous distribué des tracts dans Paris pour informer les passants : beaucoup se sont dits outrés d’apprendre ce qui se tramait à leur insu.

Mais notre civisme, de citoyens actifs et concernés, n’était pas dans le goût des forces de l’ordre. Promenés dans Paris par un car de C.R.S. (Compagnies Républicaines de Sécurité), sirène hurlante, nous avons fini notre journée au commissariat pour le contrôle de notre identité. La loi se mettait au service de la loi du profit, et le profit signifiait en l’occurrence profit à tout prix : car, n’en doutons pas, les ventes d’armes d’aujourd’hui font les massacres de demain. Si tu sèmes les armes, tu récoltes la guerre. Dans le silence des salons feutrés, les ventes d’armes pouvaient continuer entre hommes civilisés et amènes. Mais leur sourire est celui des profiteurs de guerre à venir.

« Ne pouvant faire que ce qui fût juste fût fort, on a fait que ce qui fût fort fût juste » (Pascal)2.

Le collectif « Lâche ton arme », constitué de la CANVA (Coordination de l’Action Non-Violente de l’Arche de Lanza del Vasto), les Quakers de France et de l’Europe, la CAAT (Campaign Against the Arms Trade), Pax Christi, le Mouvement pour une Alternative Non-violente et les Réseaux Espérance, a manifesté durant l’Eurosatory.

1. De L'Esprit des Lois, Quatrième Partie, Livre XX, Chapitre II : De l'esprit du commerce.

2. Pensées, V: La Justice et la Raison des Effets, 298.

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Nouvelles du réseau

• Groupe de travail théologique

Le groupe de travail théologique de Church and Peace a eu sa deuxième rencontre au Bienenberg à Liestal le 6 et 7 juin 2002. Sept personnes ont participé à cette réunion qui fut consacrée à la reprécision de la méthode de travail du groupe, à la répartition des tâches à l’intérieur du groupe et au travail de réflexion sur des thèses formulées par Dietrich Fischinger au sujet de l’amour de l’ennemi face au terrorisme. La prochaine rencontre aura lieu au Thomashof le 17 et 18 octobre 2002, juste avant la rencontre régionale germanophone. Les personnes désirant participer régulièrement à ce groupe de travail sont priées de s’inscrire auprès du secrétariat international de Church and Peace. Il faut noter cependant qu’à ce jour, la langue de travail de ce groupe est l’allemand.

• Nouveaux coordinateurs francophones

Louis et Bernadette Joly assumeront la charge du secrétariat francophone courant jusqu’à la rencontre régionale en octobre 2002. Voici leurs coordonnées : 5, rue du Mont Verdun ; F-69140 Rillieux la Pape ; Tél/Fax : (+33) 04 78 88 87 25; Mél : EglisePaix@aol.com

• Rencontres régionales

Germanophone : « Vaincre le mal par le bien - Méthodes et modèles de transformation des conflits », du 18 au 20 octobre 2002 au Thomashof près de Karlsruhe. Informations auprès du secrétariat international de Church and Peace.

Francophone : « Violences mondialisées et mondialisation de la paix », les 25-27 octobre 2002 à l’abbaye des Dombes, Communauté du Chemin Neuf, près de Lyon. Informations auprès de Louis Joly (voir adresse ci-dessus).

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En bref

• La Ligue des Résistants à la Guerre récompense les Equipes Artisans de Paix Chrétiens

Le 7 juin 2002, la Ligue des Résistants à la Guerre a attribué son 40ème Prix annuel de la paix aux Equipes Artisans de Paix Chrétiens (Christian Peacemaker Teams - CPT), pour ses efforts en vue de diminuer la violence à travers le monde. La Ligue des Résistants à la Guerre a félicité CPT pour son audace et son engagement « à aller vivre pacifiquement là où d'autres ne se déplacent qu’avec des gardes armés » et à prendre des risques pour vivre l'amour plutôt que d'en parler uniquement. David McReynolds, militant de longue date contre la guerre, a souligné la compassion des équipes de CPT envers les Israëliens et les Palestiniens dans le cadre du travail accompli en Cisjordanie. CPTnet

• Journée internationale de Vigile pour la Paix

Un groupe international de personnes laïques et des organisations représentant une large variété de traditions religieuses et spirituelles encouragent vivement à la participation à une vigile en relation avec la journée déclarée par les Nations Unies « Journée internationale de la Paix », le 21 septembre. L'objectif de la Journée Internationale de Vigile pour la Paix est « d'encourager l'observation au niveau mondial d'une vigile de 24 heures pour la paix et la non-violence lors de la Journée pour la Paix dans toute maison de prière et dans tout lieu de pratique religieuse, par toutes les religions et par les groupes et individus s’appuyant sur un fondement religieux et spirituel. » Le sens de la vigile est de montrer le pouvoir de la prière et d'autres observances religieuses dans la promotion de la paix et la prévention de conflits violents. Plus d'informations au site www.idpvigil.com. On Earth Peace, Peace Witness Action List

• Nouveau secrétaire exécutif à la section Europe et Moyen-Orient du Conseil Quaker Mondial

Un nouveau secrétaire exécutif a été nommé à la section Europe et Moyen-Orient du Conseil Quaker Mondial (Friends World Committee for Consultation) membre de C&P. Bronwyn Harwood remplace Tony Fitt depuis la mi-avril 2002. Elle est membre de la Société religieuse des Amis depuis 1989. Elle a travaillé auparavant dans le cadre de l’organisme « Témoignage Quaker pour la Paix et la Justice sociale » et est membre fondatrice de l’Action Bénévole Quaker. Son adresse est : 1 Cluny Terrace, Edinburgh EH10 4SW, Royaume-Uni. Tél. +44 131 4476569. Email : emes@fwcc.quaker.org

• Nouveau directeur au Centre menonite de Londres

Le Canadien mennonite Victor Thiessen a été nommé directeur du Centre mennonite de Londres (LMC), membre de C&P. Il remplacera Mark et Mary Thiessen Nation. Vic et sa femme Kathy sont anciens volontaires du Comité mennonite Central (MCC) et ont de l'expérience dans de nombreux domaines, notamment la médiation et le travail avec des familles à risque. Les Thiessen vont rejoindre le LMC en août.

• Nouveau coordinateur de la Décennie « Vaincre la Violence »

Le directeur du bureau européen du MCC, Hansulrich Gerber, a été nommé coordinateur de la Décennie « Vaincre la Violence » auprès du Conseil Oecuménique des Eglises (COE). Hansulrich Gerber, pasteur mennonite suisse, devrait commencer son travail auprès du COE dès octobre 2002. Hansulrich Gerber a assuré ses fonctions au MCC pendant 10 ans.

• Cahier de la Réconciliation consacré à Israël et Palestine

Dans « Israéliens et Palestiniens, frères de paix », dernier numéro de la série Cahiers de la Réconciliation, le Mouvement International de la Réconciliation (M.I.R.) France donne la parole à des acteurs de paix et de nonviolence dans le conflit israélo-palestinien. Le fascicule aborde différents sujets : le pèlerinage de paix en Israël-Palestine, l’ambiguïté des accords d'Oslo, les mouvements de paix non-violents, la question de la terre, les réservistes objecteurs, la place des chrétiens et contient des textes de méditation. Le cahier est disponible auprès du M.I.R. France : 68, rue de Babylone, F-75007 Paris, Tél : (+33) 01 47 53 84 05, Mél : mirfr@club-internet.fr