"il a tué la haine" (Eph. 2:16) Redécouvrir la théologie de la réconciliation Marie-Noëlle von der Recke I. Introduction Le thème de la réconciliation est un thème fondamental dans la vie des êtres hunains. Il l'est aussi dans l'Ecriture Sainte. Depuis le livre de la Genèse jusqu'à l'Apocalypse, nous y lisons comment Dieu crée des relations, les guérit et les restaure lorsqu'elles ont été brisées. Pour aborder ce théme de la réconciliation, on peut utiliser l'expression l'"Evangile de la Paix", qui nous renvoie au point culminant des récits bibliques : la personne de Jésus de Nazareth. Il vécut au milieu de son peuple, le peuple juif, et en conséquence de sa vie et de son action, fut exécuté comme criminel politique. Les témoins de sa vie furent aussi les témoins de sa rérurrection. Ils nous ont transmis un message qui se résume en un mot : EVANGILE, c'est à dire : bonne nouvelle. Le Nouveau Testament parle de différentes manières de cette "bonne nouvelle", la nommant entre autres "l'Evangile de la Paix".(1) Trop souvent dans l'Eglise, le mot "Evangile" a été interprété dans un sens très étroit, et ceci a eu de graves conséquences pour sa vie et pour son témoignage. Le théologien Marlin Miller met en garde contre les conséquences d'une compréhension trop étriquée de ce terme : "les interprétations réductrices de la Bonne Nouvelle" écrit-il, "mènent inévitablement à un évangile tronqué, un Christ amputé et une Eglise boîteuse"(2). Nous examinerons ici plusieurs textes des épîtres attribuées à l'apôtre Paul pour essayer de mieux cerner ce que le Nouveau Testament veut vraiment dire lorsqu'Il parle de l'Evangile et en particulier de l'Evangile de la Paix. II. Passages-clés sur la réconciliation (TOB)
Oui, quand nous étions encore sans force, Christ, au temps fixé, est mort pour des impies. C'est à peine si quelqu'un voudrait mourir pour un juste; peut-être pour un homme de bien accepterait-on de mourir. Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. Et puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. Si en effet quand nous étions les ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. Bien plus, nous mettons notre orgueil en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ par qui, maintenant, nous avons reçu la ré-conciliation.
Aussi, désormais, ne connaissons-nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu'un est en Christ, c'est une nouvelle création. Le monde ancien est passé, voici qu'une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car de toutes façons, c'était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. C'est au nom de Christ que nous sommes en embassade et par nous, c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n'avait pas connu le péché, il l'a, pour nous, identifié au péché, afin que, par lui, nous devenions justice de Dieu.
Car tous vous êtes, par la foi, fils de Dieu, en Jésus-Christ. Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a plus ni Juif, ni Grec; il n'y a plus ni eslcave ni homme libre; il n'y a plus l'homme et la femme; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus-Christ. Et si vous appartenez au Christ, c'est donc que vous êtes la descendance d'Abraham; selon la promesse, vous êtes héritiers.
Souvenez-vous qu'autrefois, vous qui portiez le signe du paganisme dans votre chair, vous que traitaient d'"incirconcis" ceux qui se prétendent "circoncis", à la suite d'une opération pratiquée dans la chair, souvenez-vous qu'en ce temps-là, vous étiez sans Messie, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui jadis étiez loin, vous avez été rendus proches par le sang du Christ. C'est lui, en effet, qui est notre paix : de ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation : la haine. Il a aboli la loi et ses commandements avec leurs observances. Il a voulu ainsi, à partir du Juif et du païen, créer en lui un seul homme nouveau, en établissant la paix, et les réconcilier avec Dieu tous les deux en un seul corps, au moyen de la croix; là, il a tué la haine. Il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin et la paix à ceux qui étaient proches. Et c'est grâce à lui que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l'accès auprès du Père. Ainsi, vous n'êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maîtresse. C'est en lui que toute construction s'ajuste et s'élève pour former un temple saint dans le Seigneur. C'est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l'Esprit.
(...) Il est l'image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature, car en lui tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles comme les invisibles, Trônes et Souverainetés, Autorités et Pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui, et il est, lui, par devant tout; tout est maintenu en lui, et il est, lui, la tête du corps, qui est l'Eglise: Il est le commencement, Premier-né d'entre les morts, afin de tenir en tout, lui, le premier rang. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui, et sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix. Et vous qui autre-fois étiez étrangers, vous dont les oeuvres mauvaises manifestaient l'hostilité profonde, voilà que maintenant Dieu vous a réconciliés dans le corps périssable de son Fils, par sa mort, pour vous faire paraître devant lui saints, irréprochables, inattaquables.
III. La théologie de la réconciliation : une réponse aux tensions de l'Eglise primitive
Chacun de ces textes parle directement ou indirectement de la réconciliation. Chacun contient des notions fondamentales au sujet du salut en Jésus-Christ. Chacun énonce un aspect important de la théologie de Paul. A y regarder de plus près cependant, on s'aper-çoit que le but poursuivi par l'auteur de ces textes n'est pas de formuler une théologie dogmatique complète sur ce thème. Chacun de ces textes est en fait une réponse à des tensions particulières qui affectaient des Eglises particulières :
Il faut garder à l'esprit ces divers conflits pour mieux saisir le sens des affirmations de l'apôtre Paul au sujet de la réconciliation. Il ne s'agit en rien de dogmes abstraits, étrangers à notre réalité, d'idéaux inaccessibles. Dans ces passages, l'apôtre Paul cherche au contraire à aider l'Eglise à ne pas se résigner devant des tensions et des conflits bien réels. Il veut l'aider à y faire face courageusement en s'appuyant sur l'oeuvre de Jésus-Christ.
Il est vrai que nous ne pouvons donner de réponses faciles à toutes les situations douloureuses de "non-réconciliation" dans notre monde et dans l'Eglise. Nous ne pouvons apporter des remèdes à bon marché pour la guérison des blessures causées par les guerres, nous ne pouvons nier la réalité des conflits par quelques paroles pieuses. Mais nous pouvons trouver une aide précieuse dans ces passages, une clé pour faire face aux conflits et aux tensions, pour ne pas sombrer dans la résignation face aux petites et aux grandes guerres.
IV. Différents registres de vocabulaire pour dire ce qu'est la réconciliation
L'apôtre Paul répond aux tensions et aux inimitiés qui existaient dans l'Eglise à l'aide de paradigmes en rapport avec le ministère de Jésus et plus particulièrement avec sa mort à la croix. Ces différents registres de vocabulaire montrent comment le chemin choisi par Jésus procure la Paix aux êtres humains.
L'apôtre évoque la disparition des classes et des castes. Tous ceux qui se réclament de Jésus Christ ont part au même héritage. Le texte de l'épître aux Galates affirme que la foi en Jésus-Christ (ou selon certaines interprétations la foi de Jésus-Christ) fait disparaître toutes les barrières qui séparent les êtres humains. En Jésus-Christ tous deviennent héritiers de Dieu et sont en droit d'appeler Dieu leur Père comme Jésus le fit. "Revêtir le Christ", c'est comme mettre un vêtement neuf. C'est faire l'expérience de la réconciliation dans des relations sociales nouvelles.
L'épître aux Romains et l'épître aux Ephésiens évoquent le sang versé de Jésus Christ, image de son sacrifice, comme moyen de la réconciliation.
L'épître aux Romains et l'épître aux Colossiens présentent les êtres humains comme les ennemis de Dieu pour qui Jésus a donné sa vie par amour , les réconciliant ainsi avec Dieu.
L'apôtre montre qu'il est possible de porter sur l'ennemi un regard nouveau. Le texte de 2 Corinthiens explique comment l'apôtre Paul parvient à considérer ses propres ennemis d'une manière nouvelle : Si quel-qu'un est en Christ, une réalité nouvelle a commencé. Le terme grec Ktisis utilisé ici ne doit pas être compris dans un sens étroit et individuel mais dans un sens large, voire cosmique : il s'agit de l'acte de la création. On peut traduire : "Si quelqu'un est en Christ, une nouvelle création vient de commencer".
Dans le texte de l'épître aux Ephéisiens, le ministère de Jésus est présenté selon deux aspects: d'une part il a détruit ou annulé l'efficacité des barrières, des institutions et des lois qui séparaient les Juifs des Païens. Le texte fait allusion au mur du temple de Jérusalem qui empêchait les païens d'avoir le plein accès au culte; Jésus, affirme l'apôtre, a brisé ce mur. D'autre part il a aussi construit, il a créé, un corps nouveau, l'Eglise, communauté réconciliée, composée d'anciens ennemis.
L'examen de ces différents registres de vocabulaire montre que le vocabulaire du sacrifice -qui dans les affirmations théologiques ultérieures a pris l'ascendant sur toutes les autres images, devenant le paradigme standard pour exprimer ce qu'est le salut- n'est en réalité qu'une image parmi d'autres utilisées pour tenter de cerner ce que la vie de Jésus, sa mort et sa résurrection signi-fient pour nous. Le vocabulaire du sacrifice était certainement compréhensible pour les premiers lecteurs de ces textes, mais il l'est beaucoup moins pour le lecteur de l'an 2000, tout au moins en Occident, où certains ont tendance à rejeter le message du salut en Jésus-Christ s'il est présenté en utilisant le vocabulaire du sacrifice. La variété des images que nous venons d'examiner élargit notre compréhension de l'oeuvre de Jésus-Christ. Certaines de ces images sont plus accessibles pour nous car elles sont empruntées à des domaines de la vie qui nous sont familiers. Par ailleurs, ces images nous éloignent d'une conception uniquement verticale et individuelle du salut et nous conduisent à une conception communautaire, cosmique même.
V. Réconciliation : le sens du terme
L'examen du terme "réconciliation" lui-même nous conduit égale-ment à cette conception communautaire et globale de la réconciliation et du salut. Nous constatons que le mot grec katalasso signifie échanger, changer. Dans les textes que nous sommes en train d'examiner, l'agent de ce changement est toujours Dieu. Ce ne sont pas les être humains qui se réconcilient avec Dieu mais c'est Dieu qui nous réconcilie avec lui. La réconciliation est donc une déclaration de Paix unilatérale de la part de Dieu à ses ennemis.
Cette notion est unique dans l'histoire des religions : dans la religion grecque, les divinités étaient très éloignées des êtres humains -au point qu'une "réconciliation" avec eux était tout simplement impensable. Le souci des humains était l'apaisement de la colère des dieux et non la réconciliation avec eux. Il en était de même dans les religions romaine et germanique. Par des rites de purification, des sacrifices, des prières et par l'ascétisme, on cherchait à amadouer les divinités courroucées. La notion biblique de la réconciliation est exactement à l'opposé de cela : Dieu n'est pas une divinité courroucée dont il faut essayer d'apaiser la colère. Il est lui -même l'agent de la réconciliation.
VI. Les deux dimensions de la réconciliation
Ceci ressort clairement des textes que nous sommes en train d'examiner, et qui répondent à deux questions :
La réponse dans les deux cas est : Dieu donne sa propre vie, Dieu se livre lui-même en sacrifice, rompant ainsi la chaine du péché, de la violence et de la vengeance. La réponse de Dieu est dans la croix de Jésus, qui est (pour utiliser les termes de John H. Yoder) "l'ex-pression de la nonviolence de Dieu qui, au lieu d'anéantir ses ennemis, accepte de mourir pour eux"(3). Le texte de l'épître aux Ephésiens ajoute un élément supplémentaire : en Jésus-Christ émerge une nouvelle humanité; une communauté réconciliée voit le jour. La croix de Jésus-Christ signifie pour nous la Paix : la Paix avec Dieu, qui devient possible et tangible là où Dieu crée la Paix entre d'anciens ennemis. En d'autres termes, la paix entre les êtres humains est "le domaine dans lequel la réalité de la paix avec Dieu peut être expérimentée"(4). Ainsi, la paix entre les ennemis n'est pas seulement une conséquence éventuelle, voire facultative, de la réconciliation avec Dieu. La Paix avec Dieu prend corps dans la communauté composée d'anciens ennemis réconciliés. La nouvelle humanité est une réalité visible, reconnaissable dans le fait qu'en son sein les barrières d'inimitié et d'inégalité entre les classes, les races et les sexes se dissipent. Ici, le texte de l'épître aux Ephésiens rejoint celui de l'épître aux Galates.
Il apparaît clairement dans le Nouveau Testament que la paix avec Dieu ne se réduit pas à la tranquillité de l'âme individuelle. La Paix avec Dieu signifie inévitablement la réconciliation avec l'ad-versaire, avec les ennemis. Cette Paix ne s'obtient qu'au prix de l'amour qui se donne. Mais il ne s'agit pas là d'un idéal, d'un but éloigné, d'une vision pour l'au-delà. Le temps de tous les verbes utilisés dans l'original est l'aoriste, le temps de l'action accomplie. La victoire de Jésus sur l'inimitié et le péché ne se situe pas dans un avenir lointain. Elle est déjà réalité. Toute la création aspire à ce que cette réalité devienne visible.
Réaliser dans la pratique cette nouvelle conception de la commu-nauté ne fut certes pas facile pour l'Eglise primitive. Les textes que nous sommes en train d'examiner, mais aussi de nombreux incidents évoqués dans le livre des Actes et dans les épîtres, témoignent de la difficulté qu'eurent les premiers chrétiens à accep-ter et à pratiquer cette nouvelle manière de penser et d'agir.
Cependant, c'est sur cette conviction que l'apôtre Paul s'appuie lorsqu'il s'adresse à ses adversaires et affirme pouvoir les aimer. Ce nouveau regard l'en rend capable (sans qu'il fasse pour autant de compromis lorsqu'il pense que la vérité de l'Evangile est en jeu). C'est le fondement de sa certitude que l'amour et la réconciliation sont possibles entre des personnes que les différences culturelles, sociales et historiques avaient séparées et aliénées.
VII. La responsabilité de l'Eglise
Que disent les textes que nous examinons au sujet de la tâche de l'Eglise dans le monde ? Dans le passage de l'épître aux Ephésiens l'Eglise est présentée comme le domaine où il est possible d'expérimenter le salut. La responsabilité de l'Eglise est tout simplement d'être l'Eglise. Eglise consciente de ses faiblesses, Eglise qui ne cherche pas à éviter les conflits, Eglise qui vit quotidiennement la paix que Jésus nous a donnée. Elle est le lieu où d'anciens ennemis vivent ensemble et pratiquent la réconciliation dans leur vie quo-tidienne. Elle est un espace dans lequel l'Esprit du Christ peut se mouvoir et agir, rendre capable les êtres humains de suivre l'exemple de Jésus, surtout dans leur relation avec leurs ennemis. La tâche de l'Eglise est de mettre en pratique dans la vie quotidienne la Paix que Jésus nous a donnée. Nous avons la responsabilité de donner à nos contemporains une idée du monde tel qu'il devrait être et tel qu'il va venir. Cette tâche de l'Eglise : être tout simple-ment l'Eglise, n'a en rien perdu aujourd'hui de son urgence. Si l'Eglise reconnait cette responsabilité, elle ne peut manquer de se laisser interpeller par la tâche énorme à accomplir dans ce domaine.
Pour ne citer qu'un exemple, alors que la désintégration du bloc socialiste a conduit à une explosion de tendances nationalistes réprimées pendant des décennies, on observe dans les démocraties occidentales une augmentation alarmante du racisme et du nationalisme. Dans ce contexte il ne faut pas sous-estimer le rôle des Eglises. William Trevor, de la communauté oecuménique d'Irlande du Nord, Corymeela, a dit lors de l'Assemblée Oecuménique Européenne qui a eu lieu à Graz en 1997 que la situation dans son pays ressemblait par bien des aspects à celle de l'ancienne Yougoslavie, mais que l'engagement résolu des Eglises en faveur de la paix avait empêché la situation de se dégrader de manière aussi dramatique que dans les Balkans.
De son côté, Ivo Markovic, fransiscain bosniaque, dans cette même assemblée de Graz, disait les diffi-cultés qu'il rencontre lorsqu'il tente de convaincre ses collègues du clergé de leur responsabilité dans le processus de réconciliation. Ce qui est arrivé au Rwanda et au Burundi, deux pays dans lesquels la majorité de la population est chrétienne, démontre que les Eglises, sauf exceptions, n'ont pas cherché à empêcher le génocide. Aujourd'hui, les chrétiens de cette région se demandent comment les choses ont pu aller si loin et si une guérison est possible.
Si Jésus est notre Paix, alors notre message consiste à vivre en tant que communautés dans lesquelles cette "paix" puisse s'incarner. Cette Paix se manifeste lorsque les membres de la communauté prient, célèbrent ensemble le culte, partagent leurs dons et leurs biens, travaillent ensemble. Les communautés qui forment l'Eglise ne doivent pas être homogènes, mais en leur sein, les hommes et les femmes, les étrangers et les autochtones, les salariés et les chômeurs font l'expérience de ce que signifie la réconciliation. Et c'est en faisant cette expérience de la réconciliation, en voyant tomber les barrières qu'ils découvriront le sens de la Paix que Dieu donne.
C'est pourquoi la résolution des conflits devrait être une tâche prioritaire pour l'Eglise. Le texte de l'épître aux Corinthiens nous parle du ministère de la réconciliation qui nous est confié. Nous sommes ambassadeurs de la réconciliation. La déclaration de Paix de la part de Dieu est un message qu'il faut transmettre à tout être humain. L'Eglise n'est pas seulement le lieu où la réconciliation devient tangible, l'Eglise est appelée à devenir agent de réconciliation, messagère de paix. Cela signifie qu'elle a sa place partout où règnent la haine et la souffrance, partout où il y a des conflits. Le service pour la paix est nécessaire là où les conflits sont latents et là où ils ont déjà éclaté. Les expériences que nous glanons dans la pratique de la réconciliation au sein de la communauté chrétienne nous préparent à accomplir ce genre de service. La formation aux méthodes de transformation non-violente des conflits complète cette préparation et nous permet d'accomplir un service plus efficace. Il est extrêmement encourageant de constater ce que font des chrétiens dans le domaine de la réconciliation de par le monde. Ces actions font rarement les grands titres de l'actualité. Pourtant, elles sont des signes tangibles que Dieu poursuit en nous et par nous l'oeuvre de réconciliation et de paix qu'il a accomplie une fois pour toutes en Jésus-Christ.
Notes
(1) Ephésiens 6:15
(2) Marlin Miller, "The Gospel of Peace" dans Mission and the Peace Witness, R. Ramseyer (Scottdale, PA. Herald Press, 1979) p.10
(3) John H.Yoder, The Politics of Jesus
(4) Marlin Miller, "The Gospel of Peace", p.15
Auteur
Marie-Noëlle von der Recke, théologienne mennonite, est la secrétaire générale de Church & Peace. Originaire de la région parisienne, elle vit à Laufdorf (Allemagne). Elle est membre de la communauté oecuménique du Laurentiuskonvent. Elle a fait ses études de théologie au séminaire mennonite d'Elkhart (USA) et a enseigné les matières bibliques et l'éthique à l'Ecole Biblique Mennonite Européenne du Bienenberg, près de Bâle.
Elle est mariée et mère de trois filles.